Malgré sa forte augmentation de population des dernières années et les services qui viennent avec celle-ci, Saint-Apollinaire est en fait un mauvais exemple de développement urbain. Pourquoi? Parce que principalement pour quelques raisons simples : Saint-Apollinaire n’a pas de centre-ville à proprement dire, les distances urbaines sont assez énormes et le développement est surtout orientée vers la voiture. Pourquoi est-ce un enjeu important? Parce qu’un mauvais développement urbain va amener des difficultés financières pour la municipalité et la MRC qui l’entoure au long-terme. Mais c’est pareil partout au Québec, pourquoi donc est-ce un enjeu? Parce que malgré que plusieurs endroits au Québec ont un mode de développement similaire, c’est un mode de développement voué à l’échec au long terme. Saint-Apollinaire est un parfait exemple d’une municipalité qui croît extrêmement vite avec ce mode de développement, ce qui justifie l’analyse de ce cas.

Quel mode de développement?

À Saint-Apollinaire, le mode de développement urbain est un mode de développement à l’américaine orienté vers l’automobile. Sa proximité à une autoroute en fait un choix idéal pour des gens qui veulent des habitations à bas prix, mais relativement près de leurs lieux de travail dans la région de Québec. Dû à sa croissance, la municipalité bénéficie d’investissements qui aident à la fois la municipalité et la MRC à offrir de meilleurs services aux citoyens. Des rues résidentielles en spaghetti qui contiennent de très nombreuses maisons unifamiliales. Les rues principales contiennent des commerces avec beaucoup de stationnement et une quantité non-négligeable de multi-logements. Les rues contiennent des infrastructures minimales pour la marche ou le vélo et le transport en commun est quasi non-existant. La vie est paisible à Saint-Apollinaire, malgré la croissance récente. Beaucoup d’activités, d’événements et de services sont offerts à Saint-Apollinaire.

C’est quoi le problème?

Le problème avec ce mode de développement c’est que ça génère énormément de demande en infrastructures qui nécessitent beaucoup de financement et d’entretien. Une des plus grandes dépenses en infrastructure est la voirie, qui doit être renouvelée à une certaine fréquence avec des matériaux qui coûtent assez cher. La municipalité doit donc être capable de générer son propre revenu pour couvrir les dépenses reliées aux infrastructures. Pour une municipalité en croissance, le problème se fait moins ressentir sur le court-terme, car vu les investissements qui se font, la municipalité est garantie temporairement d’avoir de l’argent en surplus pour couvrir les dépenses en infrastructures.

Le vrai problème commence lorsque la municipalité stagne ou commence à décroître, ce qui arrivera éventuellement. Avec une baisse de l’investissement dans la municipalité, elle doit se chercher d’autres endroits où procurer l’argent nécessaire pour les infrastructures. Quand la municipalité contient surtout des maisons unifamiliales et une offre commerciale limitée en comparaison, cela fait que la municipalité a plus de chance d’augmenter les taxes résidentielles pour couvrir ses dépenses. Le fait d’augmenter les taxes résidentielles, et l’évaluation municipale en conséquent, mène à une offre immobilière parfois trop élevée pour des familles qui pouvaient se permettre d’habiter dans la municipalité. Ainsi, certaines familles sont obligées de déménager dans d’autres municipalités. Ce n’est pas un problème lorsque la municipalité est en croissance, car il y aura toujours une autre famille qui remplacera la famille qui s’en va. Cependant, lorsque la municipalité stagne ou décroît, il devient plus difficile de trouver des acheteurs, ce qui réduit le montant d’argent qui sera recueillie par les taxes résidentielles. Avec un effet de boule de neige, ça peut mener à beaucoup de mécontentements et à la perte de services faute à la baisse de population. Les infrastructures deviennent donc plus difficiles à financer et la municipalité doit s’endetter pour couvrir les dépenses.

Avec un mode développement qui réduirait la quantité de rues et donc de voirie, la municipalité aurait une meilleure facilité à couvrir les dépenses. Cependant, il est maintenant trop tard pour revenir à l’arrière. Ainsi, Saint-Apollinaire est destinée à vivre de telles épreuves, dû à une vision à court-terme de son développement. Il n’y a pas de blâme à placer, c’est simplement le résultat d’utiliser un tel modèle de développement.

Quels sont les éléments à corriger?

Et bien, comme indiqué au début, Saint-Apollinaire n’a pas de centre-ville à proprement dire, les distances urbaines sont assez énormes et le développement est surtout orientée vers la voiture. Il faut que je m’explique : Saint-Apollinaire n’a pas de centre-ville à proprement dire. Oui, la municipalité possède beaucoup de commerces sur les rues principales, mais le tissu urbain n’est pas conducteur à beaucoup d’échanges, ce qui fait que le potentiel économique est faible. Le développement orienté vers la voiture n’aide pas à cet aspect, car cela crée des distances urbaines assez énormes et qui brisent donc les potentielles forces économiques du tissu urbain. La voiture crée également un sens d’anonymat et d’isolation qui fait que peu d’échanges entre voitures se font. Dans un centre-ville, cela limite donc énormément les échanges. La quantité et longueur des rues résidentielles fait en sorte qu’il est également difficile de se rendre au centre-ville autre qu’avec une voiture, alors les échanges qui pourraient avoir lieu à la marche sont perdus. Ça crée également énormément de coûts en infrastructure, puisque la voirie est un grand entonnoir des finances en infrastructures.

Alors, c’est quoi qui aurait dû être mis en place?

Au lieu du mode de développement orienté vers la voiture comme on voit partout en Amérique du Nord, il aurait été préférable d’utiliser un autre mode. Il aurait fallu faire un mode de développement durable. En concret, cela veut dire que la municipalité aurait dû se créer une vision de ce qu’elle veut voir en son tissu urbain. Oui, elle a un règlement d’urbanisme, mais normalement un règlement d’urbanisme n’est que simplement une partie de la vision globale. La vision aurait pu inclure ainsi un centre-ville avec des trottoirs assez grands sur chaque côté de la rue et avec possiblement quelques espaces de stationnement en parallèle. Elle aurait pu inclure un parc urbain en plein milieu du centre-ville également. Elle aurait pu décider de créer des multilogements spacieux mais nombreux avec une architecture de qualité qui aurait pu attirer de nombreuses familles. Elle aurait pu faire que ces multilogements contiennent des cours arrières communes, pour bénéficier le plus d’espace possible pour ces familles. Elle aurait pu utiliser l’autoroute simplement comme une composant économique secondaire, en ayant ses propres rues pour des commerces de proximité et possiblement des commerces de proximité sur le bord de l’autoroute également. Elle aurait pu ainsi se développer un engin économique important avec le traffic qui circule sur l’autoroute, en créant une sorte de centre d’achats urbain avec de nombreux commerces et des espaces de stationnement dédiés aux gens de l’extérieur. Elle aurait pu créer un règlement d’urbanisme qui favorise un sens de communauté en limitant la hauteur des immeubles, à la fois à un minimum et un maximum. Le règlement d’urbanisme ne devrait pas être trop restrictif non plus, car cela restreint les possibilités économiques. À la fin, ce sont toutes des décisions qui aurait pu être prises pour améliorer le tissu urbain et donc le sort économique de la municipalité. Avec une économie à échelle humaine résultante d’une économie forte sur les commerces de proximité, une cohésion sociale et un sens de communauté plus grand aurait pu en découler. Avec un tissu urbain plus restreint, cela aurait permis de garder des terres agricoles et aider à la promotion d’une économie qui respecte ses agriculteurs. De nombreuses innovations et incorporations auraient pu avoir lieues et ainsi monter une image favorable de la communauté.

Qu’est-ce qu’on peut faire?

Hélas, il est trop tard pour Saint-Apollinaire. Cependant, on peut prendre exemple de Saint-Apollinaire pour indiquer à d’autres municipalités quoi ne pas faire. Au Québec, on a tout de même quelques exemples de communautés qui suivent moins à la lettre le mode de développement orienté vers l’automobile et qui en sont mieux ainsi. On peut penser par exemple à Plessisville, une communauté à seulement une heure de Saint-Apollinaire. Une bonne portion de son tissu urbain avait été établi au 19e siècle, mais cela ne réduit pas le fait que Plessisville a un très bon tissu urbain et donc une perspective économique assez forte. Comparé avec Saint-Apollinaire, Plessisville ne croît que très peu, mais cette municipalité est capable de garder de bonnes infrastructures et de bons services. Plessisville ici serait donc un meilleur exemple à suivre que Saint-Apollinaire, malgré que Plessisville n’est pas parfait non plus.

Et donc?

Ceci est un parfait exemple d’une vision à court-terme qui mène à de mauvaises conséquences. Une vision à plus long-terme aurait pu éviter les problèmes qui s’en viennent. Il est ainsi primordial pour n’importe quelle municipalité de se créer une vision à long-terme de sa communauté, car ça peut aider à avoir une économie puissante et ainsi garder la municipalité à flot. Il est peut-être trop tard pour Saint-Apollinaire, mais cela ne veut pas dire qu’il est trop tard pour votre municipalité. Alors, qu’est-ce que vous allez faire? Ignorer tout ceci, ou vous prendre en main pour faire en sorte que votre municipalité ait un meilleur sort?